L’abus de confiance au sens pénal

//L’abus de confiance au sens pénal

L’abus de confiance au sens pénal

L’abus de confiance, de par son nom, suscite souvent une confusion entre le sens commun qu’on lui prête et sa définition juridique.

En effet, la confiance est, selon le sens commun de ce terme, « le sentiment de quelqu’un qui se fie entièrement à quelqu’un d’autre, à quelque chose » (Larousse en ligne).

Quant à l’abus, il correspond au « mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose » (Larousse en ligne).

Or, ce qui nous intéresse ici, c’est la notion juridique de l’abus de confiance au sens de l’art. 138 CP, à savoir le fait de s’approprier des biens ou valeurs remises par une tierce personne.

Il s’agit donc de l’équivalent du vol sans soustraction de la chose ou des valeurs, lesquels ont été confiés préalablement à l’auteur.

Cette disposition pénale vise donc exclusivement à la protection du patrimoine et aucunement à celle de la stabilité d’une relation de confiance ou le tort causé par le sentiment de trahison (si détestable que puisse être parfois certaines fourberies).

Ne constituent donc pas un abus de confiance au sens pénal :

  • Les déceptions amoureuses (ex : faire confiance en la fidélité de son conjoint volage et s’en retrouver dupé);
  • Les mensonges (ex : le mythomane qui, inspirant la confiance, s’invente une vie) ;
  • Le fait de ne pas tenir ses promesses ;
  • « Poser un lapin » à quelqu’un ;
  • Le fait de vendre des produits ou des services qui ne sont pas à la hauteur des attentes du co-contractant (ce qui peut toutefois être attaqué au civil, notamment sous l’angle du vice du consentement, de l’action en garantie ou du dol et, dans certains cas particuliers, constituer d’autres types d’infractions pénales telles que l’escroquerie ou l’infraction à la loi sur la concurrence déloyale).

Constituent l’infraction d’abus de confiance :

  • Pour un employeur, empocher plutôt que de remettre à qui de droit des cotisations sociales déduites du salaire brut (ex : Caisse de compensation, Fonds de prévoyance LPP, etc.) ou, dans le sens inverse, des prestations d’assurance qui étaient destinées à l’employé (ex : indemnités de l’assurance perte de gain maladie ou de l’assurance accident, allocations familiales, etc.);
  • Le fait de refuser, sans droit, de rendre un objet confié (donc droit de rétention mis à part) ;
  • Le remplacement de pièces officielles originales par des copies (ATF 114 IV 133) ;
  • Pour le curateur, l’appropriation ou l’usage au profit de tiers des éléments de patrimoine de la personne dont il a charge de s’occuper (l’infraction est alors aggravée par sa qualité de curateur, la peine maximale s’élevant alors à 10 ans de privation de liberté (art. 138 ch. 2 CP));
  • Détourner l’argent que l’on a pour tâche de gérer, par exemple en qualité de gestionnaire de fortune ou d’organe d’une société, à son propre profit sans le consentement du propriétaire des valeurs, même s’il y a intention de restituer ultérieurement les valeurs en question (la frontière avec la gestion déloyale ou l’utilisation sans droit de valeurs patrimoniales étant parfois difficile à déceler en pratique).

Ces listes sont purement exemplatives.

Lorsque les avoirs n’ont pas été confiés (ex : chose trouvées ou dans tous les cas où il ne peut pas être démontré que l’objet a été confié), l’infraction d’appropriation illégitime (art. 137 CP) peut s’appliquer (il s’agit alors d’un délit, moins grave que l’abus de confiance).

Lorsqu’il n’y a qu’usage des valeurs sans intention de se les approprier, l’acte est sanctionné en tant qu’utilisation sans droit de valeurs patrimoniales (art. 141 bis CP)

L’abus de confiance (art. 138 CP) est poursuivi d’office sauf s’il est commis au préjudice de proches et familiers. C’est seulement dans ce cas qu’une plainte est nécessaire (le délai est alors de trois mois dès la connaissance de l’infraction et de son auteur).

Elle est toujours poursuivie d’office dans les cas aggravés au sens de l’art. 138 ch. 2 CP (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. 1, 2010, ad art. 138 CP, n 27), à savoir « si l’auteur a agi en qualité de membre d’une autorité, de fonctionnaire, de tuteur, de curateur, de gérant de fortunes ou dans l’exercice d’une profession, d’une industrie ou d’un commerce auquel les pouvoirs publics l’ont autorisé ».

En dessus de la valeur fixée, d’après la jurisprudence, à CHF 300.00, l’abus de confiance est un crime poursuivi d’office et dont le délai de prescription s’élève à 15 ans (art. 97 al. 1 let. b CP).

En dessous de la valeur fixée, d’après la jurisprudence, à CHF 300.00, l’infraction est qualifiée de contravention (art. 172 ter CP et ATF 121 IV 261 CP) passible d’une simple amende) et se prescrit par 7 ans (art. 97 al. 1 let. d CP).

Elle n’est, alors, poursuivi qu’à condition que le lésé ait déposé plainte dans un délai de trois mois à dater du jour où il a eu connaissance de l’infraction et son auteur (art. 31 CP).

By | 2020-01-02T22:56:37+01:00 septembre 3rd, 2018|Uncategorized|0 Comments

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