Violences, menaces et harcèlement : la loi change

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Violences, menaces et harcèlement : la loi change

Dès le 1er juillet 2020, de nouvelles mesures tendant à renforcer la protection des victimes de violences, de menaces ou de  harcèlement sont entrées en vigueur.

Elles ont des effets autant en matière de droit civil (gratuité de la procédure, communication facilitée des décisions et, dès 2022, possibilité, pour le juge civil, d’imposer un bracelet électronique) que pénal (renforcement de la poursuite d‘office des infractions en matière de violences domestiques).

 

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Modifications en droit et procédure civile

Sur le plan civil, voici ce qui change :

Gratuité des procédures selon l’art.28b CC

Sont désormais gratuites les procédures civiles concernant les mesures en cas de violences, menaces ou harcèlement (interdiction de prise de contact, d’approcher, de périmètre, etc.), soit ce que l’on appelle couramment les “mesures d’éloignement”, de même que celles portant sur l’expulsion du domicile commun de l’auteur de l’atteinte (art. 114 let. f CPC).

La gratuité ne concerne que les frais de procédure et non les dépens (FF 2017 6913, p 6973).

Elle implique que la victime n’a pas à avancer les frais de procédure ni ne peut se les voir imputer (sauf cas d’action introduite de mauvaise foi ou de manière téméraire (art. 115 al. 1 CPC, FF2017 6913, p 6949)).

En revanche, l’auteur peut être amené à s’acquitter des frais s’il succombe à l’action (à savoir s’il perd le procès) (art. 115 al. 2 CPC).

Base légale pour la communication des mesures judiciaires

Le juge ordonnant des mesures d’éloignement ou une expulsion du logement commun est désormais tenu de communiquer la mesure à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant, ainsi qu’à à l’autorité compétente pour prononcer l’expulsion immédiate du logement (généralement la police).

Il peut également la communiquer, lorsque cela semble nécessaire, à d’autres autorités ou tiers lorsque cela apparait comme étant nécessaire eu égards aux buts de la mesure ou aux tâches des entités visées (l’on pense notamment les autorités de poursuite pénale).

Plus d’obligation de conciliation préalable

Il est désormais fait exception à l’obligation de passer préalablement à l’ouverture de l’action au fond par une procédure de conciliation (art. 198 let a bis. CPC).

L’on notera toutefois que l’impact de cette modification devrait rester minime dans la mesure où la grande majorité des procédures visées sont initiées dans l’urgence, donc par une requête de mesures provisionnelles ou super-provisionnelles, cas dans lesquels, déjà sous l’ancien droit, il n’y avait pas de procédure de conciliation préalable, y compris pour l’action au fond si elle était différée (art.198 let. h CPC).

Cette mesure fait surtout sens en matière de violence domestique où il pouvait être un peu contradictoire de passer obligatoirement par une procédure de conciliation au civil alors que les mêmes faits, lorsqu’ils étaient pénalement répréhensible, devaient donner lieu à une poursuite d’office.

Le juge garde toutefois la faculté de tenter la conciliation entre les parties lorsque cela lui apparaît opportun (art. 124 al. 1 CPC), ce qui continuera assurément de ce faire.

 

Nouveauté dès 2022 : le bracelet électronique.

L’une des mesures prévues devra toutefois entrer en vigueur le 1er janvier 2022 : il s’agit de la principale innovation de cette modification législative qu’est la possibilité, pour le juge qui ordonne des mesures au sens de l’art. 28b CC, d’ordonner également le port, par l’auteur,  d’un un bracelet électronique permettant de déterminer et d’enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve (art. 28c CC à venir).

Une telle mesure, comme elle restreint la liberté personnelle et porte atteinte à la sphère privée de l’auteur ne devrait pouvoir être ordonné que lorsque cela est nécessaire et conforme au principe de proportionnalité, eu égards au droit constitutionnel.

Concernant les coûts de la mesure, ils pourront être mis à la charge de l’auteur, mais pas du demandeur (art. 28c al. 3 CC à venir).

Une telle mesure pourra être prononcée pour six mois au maximum et prolongée, en procédure au fond, plusieurs fois pour la même durée maximale.

Cette modification devrait permettre de renforcer l’efficacité des mesures d’éloignement.

 

Modifications en droit pénal

Du point de vue pénal, les conditions permettant la suspension provisoire d’une procédure pénale en matière de violences domestiques (art. 55a CP) ont été précisées et restreintes dès l’entrée en vigueur de la modification de la disposition précitée, également au 1er juillet 2020.

La suspension provisoire peut être une cautèle au principe selon lequel la poursuite a lieu d’office en matière de violence domestique. Elle permet ainsi d’éviter que le droit pénal ne vienne compliquer inutilement la situation du couple.

Le législateur a toutefois réaffirmé l’impératif de lutter contre la violence domestique et le pouvoir d’intervention du juge, dans le sens d’un renforcement de la poursuite d’office.

La suspension de procédure, qui est une faculté du juge et non une obligation de ce dernier, ne peut désormais être prononcée que lorsque celle-ci semble pouvoir stabiliser ou améliorer la situation de la victime.

En pareilles circonstances, le prévenu peut être obligé à suivre un programme de prévention de la violence pendant la suspension provisoire de la procédure.

La loi fait également mention de cas spécifiques où la suspension provisoire de la procédure d’exclue en raison de la gravité des actes ou du passé judiciaire de l’auteur.

Quant au classement de la procédure à l’issue du délai de suspension provisoire, s’il était quasi automatique jusqu’au 1er juillet 2020 lorsque la victime ne demandait pas la reprise de la procédure aussi s’il apparaît que la suspension provisoire ne stabilise pas ni n’améliore la situation de la victime. Désormais, l’autorité de poursuite pénale ne peut plus se contenter de laisser passer le temps et de classer la procédure faute de nouvelles de la plaignante, mais pourra refuser de le faire si elle estime que les conditions de classement, en particulier de stabilisation ou d’amélioration de la situation de la victime ne sont pas remplies.

La victime pourra être ré-auditionnée. Cela devrait souvent être le cas, mais le législateur a renoncé à rendre cette nouvelle audition obligatoire (FF 2017 6913, p 6960s)

By | 2020-08-15T17:19:22+01:00 août 15th, 2020|Uncategorized|0 Comments

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