Clause de non-concurrence et contrat de travail

Clause de non-concurrence et contrat de travail

Portée d’une clause de prohibition de concurrence et des obligations générales de l’employé après la fin du contrat de travail, en particulier à propos de la liste des clients.

 

Quelles sont les limites d’usage et de divulgation d’informations obtenues en cours d’emploi dans le cadre d’activités professionnelles futures? Dans quelle mesure l’employeur peut-il éviter que les secrets d’entreprise ne profitent à la concurrence en cas de départ de collaborateurs confrontés à ces informations sensibles? Quelles sont les limites d’acceptabilité d’une clause de prohibition de concurrence dans un contrat de travail? Où se trouve la limite entre le droit au secret de l’employeur et la liberté économique de l’employé ?

Cet article fait un bref exposé des principaux aspects de droit du travail relatifs à ces questions et quelques considérations en droit de la concurrence

Devoir de discrétion (art. 321a al.4 CO).

Tout d’abord, il convient de relever que l’absence de clause de concurrence ne saurait autoriser l’employé à révéler tout secret obtenu au cours des rapports contractuels le devoir de discrétion, découlant de la loi (art. 321a al.4 CO) est susceptible de déployer des effets même après la fin des rapports contractuels lorsque.

En effet, en règle générale, le devoir de discrétion  tombe à la fin du rapport contractuel (le moment où le contrat de travail se termine).

L’intérêt de l’employeur peut toutefois justifier une persistance de ce devoir : « [l’employé] est tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que l’exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l’employeur (art. 321a al.4 CO)» (ATF 138 III 67 consid 2.3.1).

Ainsi, développer une activité dans un autre secteur que celui de son ex-employeur ne va pas à l’encontre des intérêts légitimes de l’ancien employeur, mais relève de la libre concurrence.

Pour certains métiers où la relation avec la clientèle se noue plus en vertu des qualités personnelles du collaborateur que de l’entreprise, l’employé est légitimé à continuer à utiliser son carnet d’adresses professionnelles élaboré en cous d’emploi après avoir terminé son activité au service de son ancien employeur.

Tel est le cas, selon la jurisprudence, des médecins, dentistes, pharmaciens ou avocats, mais pas des experts comptables.

Par ailleurs, « la seule connaissance de la clientèle ne saurait […] en aucun cas constituer l’un de ces secrets particuliers que le travailleur devrait garder même après la fin du contrat de travail » (ATF 138 III 67 consid. 2.3.2).

Aspects de droit de la concurrence: exploitation indue d’une prestation d’autrui (art. 5 LCD)

Outre les dispositions relatives au droit du travail, celles découlant de la loi sur la concurrence déloyale (LCD) peuvent trouver application.

Selon, l’art. 5 let. a LCD, “[agit] de façon déloyale celui qui, notamment […] exploite de façon indue le résultat d’un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans”.

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de sanctionner pénalement (en application de l’art. 23 al. 1 LPD) un employé qui, après la fin du contrat de travail, avait utilisé, au sein d’une autre entreprise, la liste des mauvais payeurs de son ancien employeur afin de donner des directives quant à l’encaissement (TF 6B_298/2013, du 16 janvier 2014).

Précisons que le but de cet article n’est certainement pas de faire un exposé des implications en matière de protection du secret du droit de la concurrence ou des autres domaines juridiques parmi lesquels l’on peut également mentionner la propriété intellectuelle. Ces aspects pourraient, eux-même, faire l’objet d’un long article. Nous ne nous étendrons donc pas davantage sur ces notions, précisant tout de même que l’art. 6 LCD sanctionne également “celui qui, notamment, exploite ou divulgue des secrets de fabrication ou d’affaires qu’il a surpris ou dont il a eu indûment connaissance d’une autre manière”. 

Généralités sur la clause de prohibition de concurrence

La clause de prohibition de faire de la concurrence n’est acceptable que si l’employeur a un intérêt à son maintien (art. 340c al.1 CO).

Selon l’art. 340 al.1 CO, la clause doit être passée sous forme écrite et, selon l’al.2, « la prohibition de faire concurrence n’est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur et si l’utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible ».

Ainsi, l’employeur ne saurait prévoir dans le contrat une clause visant uniquement à asseoir sa position contractuelle vis à vis de ses employés ou de renforcer sa position sur le marché en entravant la concurrence, étant, de surcroit, précisé qu’une telle pratique pourrait également être contraire au droit de la concurrence.

Une clause ne respectant pas ces deux conditions est nulle.

Limitation dans l’espace, le temps et le type d’affaire concerné

En outre, une clause de prohibition de faire de la concurrence figurant dans un contrat de travail doit être limitée dans le temps, l’espace et quant au type d’affaire concerné.

Intérêt de l’ancien employeur et pondération avec les intérêts de l’ancien employé

Par ailleurs, même si la clause est délimitée dans ces trois aspects, elle ne saurait l’être n’importe comment : il n’est pas possible pour une entreprise active seulement sur un canton d’interdire à ses anciens employés de faire de la concurrence dans toute la Suisse, pas plus qu’il n’est possible d’interdire d’être actif dans une autre branche ou de faire de la concurrence sur le marché de la demande.

Sur le plan temporel, la clause ne saurait s’étendre sur plus de trois ans que dans des circonstances particulières (art. 340a al.1 CO) où l’employé a eu accès à des secrets sensibles.

Le paiement d’une indemnité offrant à l’employé, après son départ, une compensation du préjudice représenté par l’interdiction de faire de la concurrence est un élément d’appréciation important : si l’employé l’accepte sans réserve, il est réputé être d’accord avec la clause de prohibition de concurrence.

Il convient de ne pas raisonner de manière schématique : une pesée des intérêts des parties doit être effectuée (art. 340a al.1 CO).

Ainsi, une clause, même entièrement valide, tombe lorsque l’employeur n’y a plus d’intérêt (art. 340c al.1 CO). Par ailleurs, lorsqu’elle est excessive, elle peut être limitée par le juge (art. 340a al.2 CO).

Peine conventionnelle

En cas de violation, la clause peut prévoir une peine conventionnelle qui ne saurait toutefois atteindre des montants faramineux : il ne peut que très rarement atteindre un an de salaire. En pratique c’est bien souvent le seul moyen de l’employeur pour agir contre celui qui viole la clause de prohibition de concurrence. D’ailleurs, il n’est jamais superflu d’examiner si la clause de prohibition de concurrence est effectivement valable, car dans la pratique, de telles clauses sont souvent mal rédigées et par conséquent nulles.

Il convient de noter encore que si le certificat de travail mentionne que l’employé quitte l’entreprise libre de tout engagement, ceci s’interprète comme étant un renoncement de l’employeur à faire valoir la clause de prohibition de concurrence.

L’usage machinal de cette formule peut donc coûter cher à l’employeur.

By | 2023-04-26T09:21:02+01:00 septembre 22nd, 2017|Uncategorized|0 Comments

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