Délais de prescription: ce qui change au 1er janvier 2020

//Délais de prescription: ce qui change au 1er janvier 2020

Délais de prescription: ce qui change au 1er janvier 2020

Ce 1er janvier 2020, est entré en vigueur une révision du droit des obligations concernant les délais  de prescription. Le plus saillant : une augmentation de 1 à 3 ans de délais de prescriptions dits relatifs et à 20 ans des délais dits absolus pour en cas de mort d’homme ou lésions corporelles.

L’importance de cette question dans la pratique mérite bien qu’un article lui soit consacré.

 

L’on précisera d’emblée que le présent article n’a pas pour vocation à présenter un panorama des délais de prescription ou de péremption, question fort complexe.

 

En matière de responsabilité civile et contractuelle

Les modifications législatives entées en vigueur au 1er janvier 2020 allongent le délai de prescription de 1 à 3 ans dès la connaissance du dommage et de l’identité de la personne en répondant pour les cas de responsabilité civile (hors domaine contractuel) (ex : dommage découlant d’un accident de la route, dégât découlant d’un défaut de l’immeuble, torts moraux consécutifs à une violation des droits de la personnalité) (art. 60 al. 1 CO).

De nombreux autres pays ont recours au délai relatif de trois ans, ce dont s’est inspiré le législateur.

Dans tous les cas, les prétentions doivent être élevées dans un délai absolu de 10 ans dès que le fait dommageable s’est produit ou a cessé selon le droit en vigueur jusqu’à fin 2019.

Ce délai absolu est allongé à 20 ans dès le 1er janvier 2020 en cas de mort d’homme ou de lésion corporelle, ce qui vaut aussi en matière contractuelle (par exemple, en cas d’erreur médicale) (respectivement art. 60 al.1bis et 128a CO).

L’on notera, en particulier, que la révision ne touche pas aux délais de prescription de l’action en garantie du contrat de vente et du contrat d’entreprise.

La prolongation du délai absolu à 20 ans répond, en partie, à la problématique de survenance de dommages longtemps après survenance du fait qui en est à l’origine, comme, par exemple, les conséquences de l’exposition à l’amiante, souvent plusieurs décennies plus tard (le sujet mériterait un article à lui seul vu la récente jurisprudence européenne à son propos).

Le droit continuera à réserver les délais de prescription pénaux plus longs.

 

En matière d’enrichissement illégitime

Tout d’abord, quelques explications sur l’enrichissement illégitime s’imposent.

Selon l’art. 62 CO, celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, est tenu à la restitution [à la personne lésée].

C’est cette disposition qui permet, par exemple, d’obtenir remboursement des prestations qui n’étaient, en réalité, pas dues en présence d’un contrat nul ou annulé, de même que par exemple, d’obtenir remboursement d’une facture payée à double par erreur.

Le délai relatif de prescription de l’action en restitution de l’enrichissement illégitime (celui partant dès le moment où le lésé a eu connaissance de son droit à la restitution) passe aussi d’un an à trois ans (art. 67 al. 1 CO).

Quant au délai de prescription absolu (celui s’écoulant dès le paiement ou l’enrichissement indépendamment de la connaissance d’un droit à la restitution), il reste de dix ans.

La nouvelle teneur de l’art. 141 CO clarifie, quant à elle, la manière par laquelle il est possible à renoncer à invoquer la prescription. L’intérêt à renoncer à invoquer la prescription est d’éviter d’avoir à contraindre le créancier à ouvrir action ou faire notifier un commandement de payer au débiteur dans le seul but d’interrompre le délai de prescription (et ainsi réinitialiser les compteurs).

Ainsi, la renonciation à la prescription est soumise à la forme écrite et limitée à une durée de 10 ans au maximum pour chaque renonciation.

 

Régime transitoire

Qu’en est-il des anciens délais ayant déjà commencé à courir avant la fin de l’année 2019?

Toutes les prétentions prescrites avant le 1er janvier 2020 le restent sous le nouveau droit (autrement dit, l’on ne touche pas aux prescriptions acquises sous l’ancien droit).

Pour celles qui courent encore au 1er janvier 2020, les délais du nouveau droit s’appliquent (et sont donc prolongés en conséquence en cas de délai plus long) (art. 49 Titre final du CC).

 

Responsabilité de l’Etat

Les délais de prescription dans les cas d’action en responsabilité contre la Confédération sont alignés sur les principes évoqués ci-dessus (art. 20, 21 et 23 LRCF).

Il en va de même des cas de responsabilités pour les actes relevant de mesures en protection de l’adulte (curatelle ou placement à fins d’assistance) (art. 455 CC).

A noter que, pour le surplus, les cas de responsabilité contre les cantons ou communes ne sont pas concernés par cette révision du droit fédéral : le droit cantonal est donc libre de continuer à prévoir un autre délai de prescription.

 

Autres points

Le nouveau droit précise aussi les conséquences d’interruptions de prescriptions pour les co-obligés et en cas d’actions récursoires (qui permet notamment à l’assurance de se retourner contre le fautif) (art. 136 et 139 CO).

Des modifications du délai de prescription en matière de sociétés coopératives sont également opérées dans cette révision (art. 878 al. 2 et 919 CO).

 

Rapports avec la LRFP

La loi sur la responsabilité du fait du produit (LRFP) permet d’obtenir un dédommagement pour les lésions corporelles, décès ou dommages à la propriété découlant d’un produit défectueux mis sur le marché, loi protégeant le consommateur et lui permettant, en principe, d’obtenir dédommagement plus facilement qu’avec le régime usuel de la responsabilité civile ou contractuelle.

Le délai de prescription relatif de trois ans était déjà repris par cette loi qui s’est inspiré du régime européen (Directive 85/374/CEE).

Elle n’est pas touchée par la présente révision législative, ce alors qu’elle prévoit un délai de péremption (qui ne peut pas être suspendu ni interrompu) absolu de 10 ans dès la mise en circulation du produit en cause.

Le consommateur n’agissant pas dans ce délai pourra toutefois,  lorsque les conditions sont remplies, tenter de fonder ses prétentions sur des règles de la responsabilité civile (art. 41ss CO) ou contractuelle (art. 97ss CO).

 

En matière de poursuites et faillites : nouveau délai de 3 ans pour les actions révocatoires

Les actions révocatoires permettant de réintégrer dans la poursuite ou la masse en faillite des biens ou valeurs qui lui auraient été soustraits (ex : donations ou actes favorisant un créancier au détriment des autres).

Le délai passe alors de deux à trois ans, le point de départ dépendant du cas de figure dans lequel l’on se situe (saisie, faillite ou concordat) (art. 292 LP).

By | 2020-01-14T19:32:45+01:00 décembre 31st, 2019|Uncategorized|0 Comments

Leave A Comment